Cochenille
Localisation géographique
Tous les insectes fournissant du rouge font partie de la famille des Coccoidea.
On trouve en Europe le kermès des teinturiers (kermes vermilio, dans les régions méditerranéennes, notamment en France, en Espagne et au Mahgreb). Le kermès des teinturiers vit uniquement sur le chêne kermès. A cause de la raréfaction des garrigues, cet insecte est aujourd'hui en voie de disparition, et on ne saurait désormais l'utiliser pour la teinture.
Egalement présentes en Europe, différentes espèces de porphyrophora (Europe de l'Est, notamment Pologne et Arménie, mais aussi Egypte et Asie)
Les insectes à laque (kerria lacca et kerria chinensis) ne se trouvent qu'en Asie du Sud.
Il existe enfin les cochenilles américaines, de la famille des Dactylopius.
Utilisation historique
Le kermès des teinturiers
On trouve trace du kermès dès le Néolithique pour un usage alimentaire dans une sorte de pâté (Adaouste, France).
"Pour les peuples anciens de Méditerranée orientale, le rouge éclatant du kermès compte au nombre des "couleurs estimées par nos ancêtres" selon l'expression du Democriti physica et mystica (...) qui fait partie (...) de la littérature alchimique attribuée au (...) pseudo-Démocrite [IIIè siècle avant Jésus-Christ]" Dominique Cardon, le monde des teintures naturelles, Belin, p. 481
On a également identifié le kermès sur des textiles retrouvés dans des tombes celtes du VIè siècle avant Jésus-Christ (tombe à char de Hochdorf, Bade-Wurtemberg, Allemagne), ou du Vè siècle en France (Sainte-Geneviève-des-Bois, Estissac).
Les autres cochenilles européennes (porphyrophora)
On a découvert dans un cimetière polonais datant du VIè siècle des restes de cochenilles, auprès d'outils de filage, dans deux tombes féminines.
L'un des vêtements portés par la reine Bathilde dans sa tombe (681) comporte cette cochenille.
Le fameux capitulaire De Villis, demandé par Charlemagne en 812, évoque dans son chapitre 43 son utilisation en teinture.
En 1031, un texte d'une abbaye de Ratisbonne (Allemagne) parle d'une redevance "au titre de la cochenille".
Tout au long du Moyen Âge, de la Belgique à l'Italie, les textiles retrouvés témoignent de l'utilisation de cet insecte, qui restera plus généralement utilisé dans le Nord que dans le Sud où le kermès prédomine.
Parties de l'animal utilisées
Avec l'extrait, on obtient des roses très vifs qui virent au violet avec le sulfate de fer et tirent un peu plus vers le bordeaux avec le cuivre.
Les bains alcalins sont beaucoup plus pâles et prennent beaucoup moins bien la teinture (rien sur le lin qui est tout gris). Plus on va vers l'acide plus les tons sont vifs. Le post bain acide après teinture en bain neutre ne change pas grand chose, c'est juste un peu plus rose, alors que nous attendions plutôt une nuance orangé.
Les deuxièmes bains sont très vifs et pratiquement de la même teinte que les premiers. On peut donc baisser la concentration sans problèmes.
Le troisième bain est encore bien coloré, les nuances sont justes plus pâles. Tous les tissus prennent bien la couleur.
Sans mordant, les couleurs sont beaucoup plus pâles, du rose clair au parme. En bain acide, l'échantillon qui n'est resté que dix minutes (496) est plus clair et plus parme que celui qui est resté une heure et qui est vraiment rose (493). Le mordançage au fer seul donne un gris rosé peu intéressant, le cuivre seul est un peu plus rose. Sans mordant, en revanche, les bains alcalins sont roses plus vif. L'échantillon du bain neutre ayant subi un postbain alcalin (503) est un tout petit peu plus rose, mais la nuance est subtile. Avec le sel (504) les tons sont plus ternes : il n'y a pas de réel intérêt.
Avec le mordançage au tanin, les tons tirent sur le saumon plus que sur le rose, et le tissu de lin n'a pas pris du tout la couleur avec l'alun seul. Le sulfate de fer en revanche fonce beaucoup les couleurs, ce qui est logique, vu la présence de tanin, et notamment sur le lin qui est pratiquement noir. Avec le sulfate de cuivre, on observe pas de différences notables par rapport au tanin seul.
L'échantillon 505 qui avait été mordancé à froid offre des tons comparables à son équivalent à chaud (n°404), mais les tons sont tout de même un peu plus clairs, notamment sur le lin.
Avec les insectes, les tons sont très comparables aux tons obtenus avec l'extrait, juste un tout petit peu moins vifs. La grosse différence réside dans les seconds bains : avec les insectes (en acide uniquement), il n'y a plus de colorant, tout a été absorbé par le premier bain. Alors qu'avec l'extrait on peut facilement faire trois voire quatre bains.
Mélanges effectués
Cochenille sur pied de pastel
Nous avons d'abord teint les échantillons dans une cuve de pastel (à
l'hydrosulfite). Le pastel a été dosé à 5% du poids de la fibre à
teindre pour l'échantillon 314, et à 1% pour le 319.
Ensuite, les
échantillons ont été plongés dans un bain de cochenille neutre (cochenille en
extrait dosée à 4,5% du poids de la fibre à teindre) additionné d'alun.
Si l'on cherche à obtenir du violet, le résultat est mieux réussi qu'avec le mélange inverse, car il est plus proche du pastel. Sur la laine, ça reste encore très bleu avec la forte concentration, mais la soie est bien violette. Le 319 est vraiment violet/parme.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Pastel fortement dosé (5%) |
Pastel peu dosé (1%) |
314 |
319 |
Garance sur pied de cochenille
Pour notre expérimentation, nous avons d'abord fait des bains avec de
la cochenille en extrait, dosé à 4,5% du poids de la fibre à teindre.
Les différents bains ont été maintenus une heure à 90°C.
Nous avons ensuite plongé les échantillons dans un bain de garance acide, maintenu une heure à 60°C.
Le résultat est très beau, nettement plus vif et plus proche du rouge que la garance seule. La couleur la plus rouge est obtenue en bain alcalin, et plus le bain est acide plus c'est un rouge qui tend vers le rose. Le lin est plus rose que les autres fibres et ne prend vraiment bien la couleur qu'en bain acide.
Légende des images (en gras, les nuances intéressantes) |
Mordançage à l'alun |
Teinture en bain acide |
411 |
Teinture en bain neutre |
412 |
Teinture en bain alcalin |
413 |
Pastel sur pied de cochenille
Nous avons utilisé de l'extrait de cochenille dosé à 4,5% du poids de la fibre à teindre, simplement dilué
dans de l'eau tiède. Les différents bains ont été maintenus une heure à 90°C.
Ensuite, les échantillons ont été plongés dans une cuve de pastel à 5%.
Le résultat plus proche de la cochenille que du pastel (alors que c'était l'inverse pour le mélange inverse = cochenille sur pied de pastel) : on obtient un beau rose violet, surtout en acide. Pour de vrais violets moins rosés, il faut donc faire le mélange inverse.