Le pendu
Maurice Mac-Nab - XIXè siècle
Un garçon venait de se pendre
Dans la forêt de Saint Germain
Pour une fillette au coeur tendre
Dont on lui refusait la main
Un passant, le coeur plein d'alarme,
En voyant qu'il soufflait encor'
Dit "Allons chercher les gendarmes,
Peut-être bien qu'il n'est pas mort !"
Le brigadier sans perdre haleine
Enfourcha son grand cheval blanc.
Arrivé chez le capitaine,
Il conta la chose en tremblant
Un jeune homme vient de se pendre
A son âge quel triste sort.
Faut-il qu'on aille le dépendre ?
Peut-être bien qu'il n'est pas mort.
L'officier, frisant sa moustache,
Se redresse et répond soudain :
"Vraiment, c'est une noble tâche
Que de soulager son prochain
Cependant je n'y puis rien faire,
Ce n'est pas de notre ressort.
Courez-donc chez le Commissaire
Le pendu vit peut-être encor'
Le Commissaire sur la place
Descendit, c'était son devoir.
D'un coup d'oeil embrassant l'espace,
Il cria de tout son pouvoir :
"Un jeune homme vient de se pendre,
Villageois, debout ! Courez fort !
Emportons de quoi le dépendre
Peut-être bien qu'il n'est pas mort !
Vers le bois on arrive en troupe
On s'arrête en soufflant un
peu
On saisit la corde, on la coupe
La cadavre était déjà
bleu
Sur l'herbe foulée on le couche
Un vieux s'approche et dit :
D'abord
Soufflez-lui l'air dans la bouche
C'est pas possible
qu'il soit mort
Les amis pensaient : Est-ce drôle
De se faire périr ainsi !"
La fillette, comme une folle,
Criait : Je veux mourir aussi !
Mais les parents, Miséricorde !
Disaient en guise d'oraison :
Partageons-nous toujours la corde,
C'est du bonheur pour la maison !