La blanche biche
Chanson du XVIè siècle - de la Vendée à la Normandie
Celles qui vont au bois,
c'est la mère et la fille.
La mère va chantant
et la fille soupire :
« Qu' av'vous à soupirer,
ma fille Marguerite?
— J'ai bien grand ire en moi,
et n'ose vous le dire :
Je suis fille le jour
et la nuit blanche biche.
La chasse est après moi,
les barons et les princes,
Et mon frère Renaud
qui est encore bien pire.
Allez, ma mère, allez
bien promptement lui dire
Qu'il arrête ses chiens
jusqu'à demain ressie.
— Où sont tes chiens, Renaud,
et ta chasse gentille?
— Ils sont dedans le bois
à courre blanche biche.
— Arrête-les Renaud,
arrête, je t'en prie! »
Trois fois les a cornés
en son cornet de cuivre;
A la troisième fois,
la blanche biche est prise :
« Mandons le dépouilleur,
qu'il dépouille la biche.»
Celui qui la dépouille
dit : « Je ne sais que dire :
Elle a les cheveux blonds
et le sein d'une fille. »
A tiré son couteau,
en quartiers il l'a mise.
En ont fait un dîner
au baron et aux princes :
« Nous voici tous illec,
faut ma sœur Marguerite.
— Vous n'avez qu'à manger,
suis la première assise :
Ma tête est dans le plat
et mon cœur aux chevilles,
Mon sang est répandu
par toute la cuisine,
Et sur vos noirs charbons,
mes pauvres os y grillent. »